Ego à nu : Rencontre avec MATHIEU COCHARD

IL CO-DIRIGE LE HARD ROCK CAFÉ LYON DEPUIS DEUX ANS ET PREND LES MANETTES DU GRAND RÉFECTOIRE DE L’HÔTEL DIEU, UNE BRASSERIE CHIC DE 1 700 MÈTRES CARRÉS OUVERTE DEPUIS MI-NOVEMBRE. SES 33 PRINTEMPS SYNONYMES DE JEUNESSE ET D’INSOUCIANCE NE L’EMPÊCHENT NI D’INVESTIR DES SOMMES CONSIDÉRABLES, NI DE TRAVAILLER COMME UN FORCENÉ. INTERVIEW D’UN EXIGEANT QUI S’EST LAISSÉ PRENDRE DANS L’TOURBILLON DE LA VIE.


Propos recueillis par Nancy Furer.

 

Comment se retrouve-t-on, à 33 ans, à la tête de deux grosses affaires comme le Hard Rock Café et le Grand Réfectoire ?
MATHIEU COCHARD : Par hasard, par passion, par goût du risque… et aussi parce que l’on passe un temps fou à travailler. Le secret, je crois, c’est de ne jamais rien lâcher, de croire en soi et de ne pas paniquer!

 

La panique vous rattrape, parfois ?
MATHIEU COCHARD : Oui, au début du Hard Rock Café, j’ai eu de vrais moments d’angoisse… j’avais mal au dos et j’ai même chopé une pubalgie, sans faire de sport. Heureusement, nous sommes deux ! Je l’avoue bien volontiers, sans mon associé Thibault Salvat, les choses ne seraient pas aussi confortables. Notre secret, c’est ce duo. Quand l’un a un coup de mou, l’autre le porte. On se rassure mutuellement, on se motive, on se challenge. L’un sans l’autre, nous n’existons pas! Il faut dire que l’on se connaît depuis le début de nos études, à l’école hôtelière Vatel.

 

Quel est votre parcours, justement…
MATHIEU COCHARD : Je suis né dans une famille de restaurateurs, et je jurais, petit, de ne pas faire ce métier ! Mais la vie en a décidé autrement et je suis entré à l’école Vatel après le bac. Un peu par hasard, je l’avoue. Mais la restauration est mon élément, je crois qu’il ne faut pas chercher plus loin…
Après mon MBA, j’ai eu l’opportunité de démarrer comme directeur commercial de la Brasserie Georges… Ça ne se refuse pas ! À la sortie de l’école, c’était juste magique : je suis entré
 le 1er novembre 2007 et le 8 décembre, on faisait le record de la brasserie, avec 3150 couverts. Je me suis demandé où j’étais mais je n’oublierai jamais cette journée. Je suis resté quatre ans dans cette maison où l’on apprend la rigueur, les volumes, l’autonomie. Puis je suis entré au Mövenpick de Genève comme responsable événementiel pendant deux ans et enfin, j’ai pris la responsabilité des opérations du Centre de Congrès de l’École polytechnique de Genève. Je m’occupais de toute la restauration du centre et de ses trois restaurants. Une belle expérience !

 

Comment vous est venue l’idée du Hard Rock Café Lyon ?
MATHIEU COCHARD : Avec Thibault, on s’est toujours dit que nous monterions notre affaire. À un moment, j’ai eu envie de revenir à Lyon, de me poser dans ma vie personnelle et c’est comme ça que l’idée a germé. Une partie de ma famille travaille dans la radio ; ce sont tous des passionnés de rock… et du concept Hard Rock Café ! Ils m’ont soufflé l’idée; je suis allé sur le site du Hard Rock et j’ai vu que Lyon faisait partie des villes pressenties. J’ai rempli le dossier et j’ai été contacté dans la semaine. Parfois, les choses se font d’elles-mêmes.

 

Un gros investissement financier quand même ! Il fallait oser…
MATHIEU COCHARD : Oui, d’autant que nous avons tout bouclé en quinze mois. Nous avons pas mal brassé pour trouver le lieu, puis les banques susceptibles de nous suivre, mais les choses se sont plutôt bien enchaînées.

 

 

Après deux ans d’ouverture, quel est le bilan ?
MATHIEU COCHARD : Nous faisons 330000 couverts par an et environ 5 millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année, ce qui est parfaitement conforme à nos meilleurs business plans. La marque bénéficie d’une aura incroyablement positive ; elle génère un vrai engagement !

 

Peu de gens ont parié sur votre succès, pourquoi ?
MATHIEU COCHARD : Les banquiers ont parié, c’est déjà beaucoup ! Mais il est vrai que, pour beaucoup, le projet était has-been, trop grand, trop ambitieux, avec des gens trop jeunes à sa tête. Nous pensons, au contraire, que si nous avions fait plus petit, nous nous serions plantés. C’est l’ambition conférée à cet établissement qui fait qu’il marche aujourd’hui !

 

Nouvelle aventure, celle du Grand Réfectoire de l’Hôtel Dieu, comme avez- vous décroché cette affaire longtemps promise au groupe Bocuse ?
MATHIEU COCHARD : On a profité d’un timing parfait. Nous sommes arrivés au bon moment et avons trouvé les bons soutiens assez vite. Nos nouveaux associés sont Emmanuel Sailer, spécialisé dans la gestion d’établissements hôteliers – et qui fut mon patron – et Marc Bonneton, propriétaire du bar à cocktails L’Antiquaire, rue Hippolyte Flandrin. Au total, nous investissons 4,5 millions d’euros dans cette affaire, ce qui est à peu près autant que ce que nous avons consacré au Hard Rock.

 

C’est quoi ce Grand Réfectoire ?

MATHIEU COCHARD : Une brasserie assez chic de 1700 mètres carrés dans un cadre exceptionnel : 10 mètres de hauteur sous plafond, une salle magnifiquement voûtée et l’ambiance encore vivante des anciennes cuisines. Nous voulons y servir des mets lyonnais teintés d’exotisme grâce à la patte unique de notre chef étoilé, Marcel Ravin. L’autre point fort des lieux, c’est sa terrasse, la seule située au premier étage de l’Hôtel Dieu, au-dessus de la cour Saint-Henri, avec comme vis-à-vis le grand dôme de l’Hôtel-Dieu.

 

Vous êtes aussi aux commandes du bar à cocktails, L’Officine…
MATHIEU COCHARD : Oui, via Marc Bonneton, qui propose à la carte six classiques et six cocktails signatures. Là encore, nous privilégions les alcools régionaux : liqueur de cerise des monts du Lyonnais, vermouth de Chambéry…

 

Vous trouvez où le temps et l’énergie pour gérer de tels projets ?
MATHIEU COCHARD : Avec Thibault, on s’est organisé en roulement. Nous travaillons cha- cun 12 jours sur 14 et 1 soir sur 2. Cela peut paraître beaucoup mais, en phase de lancement, difficile de faire autrement. L’énergie, elle provient des gens que l’on rencontre tous les jours, des coups de feu à gérer, de la pression du service… C’est ça la magie de la restauration ! Et puis, avec cette nouvelle affaire, nous nous sommes bien structurés, avec un directeur administratif et financier pour les 2 établissements et des collaborateurs impliqués. Emmanuel Sailer dirige L’Officine et nous, nous restons physiquement au Hard Rock Café.

 

D’autres projets dans votre musette ?
MATHIEU COCHARD : Oui, mais peu aboutis encore. Nous aimerions lancer un festival Hard Rock Café de trois jours, pour lequel nous sommes en recherche de partenaires. Nous développons aussi la partie « concerts », par exemple avec l’Asvel et l’OL. Et nous ne nous interdisons pas de regarder les belles affaires dans l’hôtellerie. C’est certain, nous ne resterons pas 10 ans à la tête du Hard Rock Café. 

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