Le monde imprévisible deMarlène Chevalier

Après des débuts remarquables dans le monde des jouets pour enfants et du design de produits, Marlène Chevalier envoie valser les normes des cahiers des charges pour la spontanéité du dessin ; une vie loin des standards, mais proche de son bonheur. Celui d’un temps librement occupé entre ses divers univers. 

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« Dessine-moi ce que tu sens pour que je comprenne comment tu vas », entame Marlène Chevalier avec entrain. S’affranchir des contraintes, c’est avec ce leitmotiv en tête chaque matin que la quadragénaire évolue en tant qu’artiste, entre sa péniche lyonnaise et sa maison drômoise. Après avoir créé une marque de jouets, elle a ressenti une immense frustration de s’éloigner autant de l’artistique. Avec son propre langage, elle compose donc aujourd’hui son chemin graphique : « L’intérêt du dessin automatique réside dans une distance par rapport aux normes. On n’est pas obligé de se conformer à un système pour mieux laisser parler la main ». Dénué de message politique ou de toute dénonciation, l’art de Marlène Chevalier se veut écriture personnelle et « zone de liberté ». La rencontre avec le public est magique, mais secondaire. « Ma démarche est de me découvrir, de me surmonter chaque jour, dit-elle. En pratiquant, le dessin m’a ouvert la porte des émotions, fortes et inattendues ». Préoccupée par le travail de mémoire et d’absence
de souvenirs, la dessinatrice a aussi trouvé là une manière de s’enraciner :  « Je retiens davantage avec le dessin qu’avec les mots. Au-delà du journal intime, c’est mon point de sensibilité pour garder présents mes souvenirs ».

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Chaque jour en observant le spectacle perpétuel du soleil sur la Saône, en direct de sa péniche, Marlène puise une source d’inspiration inépuisable. Pour se tenir à distance du conformisme et des contraintes, elle met en pause les recherches de résidence et d’expositions dans les galeries au profit d’un temps expérimental. À bord de sa péniche, cette passionnée de bateaux peut souffler de ces obligations artistiques grâce à son investissement dans l’immobilier, passant l’autre partie de son temps à vendre des péniches. Une alchimie inattendue qu’elle aime valoriser comme créatrice d’équilibre. Être passionnée par plusieurs univers lui permet de ne pas se construire en fonction d’un format standard, de pouvoir s’émerveiller de ce qui l’entoure.

Aujourd’hui, ce petit laboratoire d’expériences par le dessin, Marlène Chevalier aime par-dessus le partager : « Avec du temps, des stylos et du papier, le dessin automatique est accessible à tous, dès lors qu’on est initié, que ce soit par l’acquisition d’outils ou par la pratique ». Pourtant, ce n’est pas une source de satisfaction à tous les coups : « La satisfaction esthétique n’est pas instantanée, mais réussie ou pas, cela permet de construire un chemin graphique à la façon d’un work in progress, d’avancer vers l’inconnu, avec des loupés, car c’est aussi ça se détacher du produit fini ». Dans une société en perpétuelle quête d’instantanéité, ce travail à construire avec le temps représente une vraie allégorie du quotidien.

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TEXTE Léa Borie – PHOTO Didier Michalet

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