Ego à nu : ADA HEGERBERG

Lauréate du premier Ballon d’Or féminin, le 3 décembre dernier, Ada Hegerberg vit sur un petit nuage. L’attaquante norvégienne de l’olympique lyonnais est une fervente féministe. Elle surfe sur sa récompense et son palmarès pour porter des messages qui poussent bien au-delà du sport.

Propos recueillis par Vincent Feuillet.

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___ Vous êtes la première footballeuse à décrocher un Ballon d’Or, comment vivez-vous cette consécration ?

ADA HEGERBERG : La soirée était encore plus fabuleuse que dans mes rêves! Ce Ballon d’or vient récompenser le travail effectué tout au long de ma carrière. Il me donne beaucoup de motivation pour continuer à m’entraîner et à jouer au plus haut niveau. J’en suis très fière. J’ai réalisé seulement après la cérémonie que France football remettait pour la pre- mière fois un Ballon d’or à une femme. Un moment historique, car à travers moi, toutes les femmes ont été mises en avant. Des États-Unis à l’Inde, le monde entier s’est intéressé à cette cérémonie, et donc aux filles qui jouent au foot.

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___ Vous sentez-vous comme une pionnière ?

ADA HEGERBERG : Les gens doivent en fin comprendre qu’une femme sportive de haut niveau, chef d’entreprise ou président, cela n’a rien d’anormal. Pour cela, ils ont besoin d’exemples, de modèles dans la société. Être respecté pour ce que tu fais, que tu sois homme ou femme, c’est essentiel. Le Ballon d’Or a montré la voie aux filles. Certaines peuvent rêver aujourd’hui de décrocher le trophée. Personnellement, cette récompense me donne une position privilégiée pour parler, pour faire simplement un peu entendre ma voix sur des sujets importants. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours mesuré ma responsabilité en tant que fille dans un monde du sport plutôt masculin. Chaque femme porte, à son niveau, une part de responsabilités. Si chacune d’entre nous a la possibilité de faire une petite différence, les choses vont avancer sur le sujet de l’égalité et sur certaines attitudes à bannir.

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Crédits photos : AFP or licensors
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___ L’égalité homme-femme est un sujet qui vous tient à cœur.
Pourquoi voulez-vous qu’on parle de vous comme d’un « footballeur », cela semble paradoxal ?

ADA HEGERBERG : Je n’utilise jamais l’expression foot féminin ou le mot « joueuse » qui ont un côté négatif. Je me considère comme une femme qui joue au foot. La langue ne devrait pas faire de différence selon le sexe. Je ne comprends pas ces visions négatives sur un monde partagé à égalité entre les hommes et les femmes. Je viens d’une famille où l’égalité va de soi. En Norvège, c’est une notion très avancée. Je suis une femme qui joue au foot, donc un footballeur. J’espère que, de plus en plus, le public se rendra compte que notre travail et notre passion pour notre sport sont les mêmes que les hommes. Tout le monde se bat pour gagner, avoir des résultats, et ce n’est pas que dans le foot, mais dans la vie. Le chemin est encore long pour graver l’égalité dans tous les esprits. C’est un sujet très actuel qui mérite qu’on en parle quotidiennement.

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___ Qu’est-ce que vous aimez dans le foot ?

ADA HEGERBERG : Dans ma famille, tout le monde a toujours pratiqué le foot. Ma mère jouait même à très haut niveau en Norvège. Mon père et mon frère aussi, mais à des niveaux inférieurs, tandis que ma sœur évolue actuellement au sein du PSG. Je n’avais donc pas le choix! À la maison, il n’y avait pas vraiment de place pour les autres sports. Mais j’ai appris à aimer cette discipline où on travaille ensemble tous les jours afin de gagner des matches, atteindre une ambition. Une équipe, c’est comme une petite famille: on s’engueule, on se chambre, mais on aime être ensemble sur les terrains. Le foot m’a donné l’opportunité de découvrir des cultures et des langues différentes.

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___ Vous jouez pour Lyon depuis cinq saisons. Quel regard portez-vous sur votre club ?

ADA HEGERBERG : J’ai signé pour Lyon sans douter une seule fois. Je me sens comme à la maison, franchement je suis bien. Les joueuses, le staff, le club… tout le monde est à sa place, les ambitions et les moyens aussi ! L’OL fait tout pour réussir et pour avoir la meilleure équipe en Europe. L’OL s’investit beaucoup dans le domaine du foot. C’est, je crois, un véritable modèle aujourd’hui dans notre sport. À Lyon on met toujours les filles en avant, on leur offre la possibilité de se donner à cent pour cent, au maximum de leurs capacités. L’équipe gagne de nombreux titres année après année. Les supporters pensent que c’est devenu facile pour nous… et pourtant, nous nous remettons en question en permanence et travaillons dur à l’entraînement. C’est un challenge permanent.

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___ Quelle est la prochaine étape ? Gagner la coupe du monde organisée en France, en juin prochain ?

ADA HEGERBERG : J’ai encore envie de travailler et d’améliorer des choses dans mon jeu. La carrière est courte et je ne pense pas avoir atteint le maximum de mon potentiel. Plutôt que d’aller chercher un deuxième ou troisième Ballon d’or, j’ai envie d’aller chercher des titres, d’être la meilleure buteuse. Mais pas de gagner la coupe du monde, du moins pas cette année. J’ai décidé de me retirer de l’équipe nationale de Norvège, je suis actuellement en désaccord avec la fédération. Cette coupe du monde sera, je pense, une belle fête; elle suscite un vif intérêt auprès des amateurs de sport. J’espère qu’on va remplir les stades français, en particulier le Groupama Stadium, qui accueille la finale le 7 juillet prochain.

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___ Quand vous ne jouez pas au foot, que faites-vous ?

ADA HEGERBERG : Il est important pour moi de conserver une vie de famille, de lire beaucoup, de cuisiner… bref d’avoir une vie normale, de pouvoir penser et faire d’autres choses sympas pour être à 100 % quand je rentre sur le terrain. Lyon m’apporte l’environnement nécessaire. Je me sens bien dans la ville, j’adore le cadre, l’ambiance, le climat… On peut se déplacer en ville en vélo pour se balader ou prendre un café. Au-delà du prestige du club, cette qualité de vie n’est pas pour rien dans le fait que les filles restent si longtemps à Lyon !

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