Ego à nu : Rudy RICCIOTTI

Auteur prolixe, architecte star, les cheveux toujours en bataille, Rudy Ricciotti s’aime brut de décoffrage. À 67 ans, le bâtisseur du Mucem, du Pavillon noir d’Aix-en-Provence, de la Passerelle de la paix à Séoul ou du Palais du cinéma reste gourmand de formules qui choquent. Nous lui avons imposé une interview du tac au tac, sauf en ce qui concerne l’exposition Imagine Picasso, qu’il cosigne jusqu’au 19 janvier prochain à La Sucrière.

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___ En 10 mots max, qui est Rudy Ricciotti ?
RUDY RICCIOTTI : Un homme que la contradiction n’effraie pas, un psychopathe méritant. Je passe à l’acte la peur au ventre.

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___ Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui en tant qu’architecte ?
RUDY RICCIOTTI : Je vois beaucoup de laideur autour de moi, la beauté n’est plus la règle. Il faut se confronter à l’invisible, prendre la beauté en filature pour transformer le réel.

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___ On sent chez vous un besoin de parler vrai, presque brutal, est-ce une réponse au politiquement correct de notre société ?
RUDY RICCIOTTI : Je ne sais pas faire autrement. Évidemment, la moraline en vaccin obligatoire est nauséabonde.

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RUDY RICCIOTTI

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___ Vous êtes né en Algérie dans une famille italienne, en quoi cela a-t-il forgé votre personnalité ?
RUDY RICCIOTTI : Au travers des quatre éléments suivants: mon instinct de survie, une culture du combat, le goût de la castagne et de l’anisette.

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___ Vous avez intitulé l’un de vos livres « L’architecture est un sport de combat », qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
RUDY RICCIOTTI : Tout simplement qu’il faut se battre pour prescrire ses idées. Dans ce métier, on trouve toujours un ou deux rings sur sa route. L’esquive n’est pas la norme

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___ Vous adorez Marseille, quel est votre regard d’homme et d’architecte sur Lyon ?
RUDY RICCIOTTI : Lyon est une ville digne et bien tracée, humaine, gracieuse et parti- culièrement nourricière. C’est aussi le château fort des vins de la vallée du Rhône.

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___ Quels sont vos projets pour 2020 ou au-delà ?
RUDY RICCIOTTI : Ne pas perdre ma femme.

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___ Votre coup de gueule du moment ?
RUDY RICCIOTTI : L’éboulement de la liberté d’expression sous couvert de bien-pensance-asservie-volontaire.
Je déteste le politiquement correct. Une scène X de Rocco Siffredi est plus belle que le quotidien de tous les bien-pensants du quotidien.

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___ Quel plaisir avez-vous pris dans votre collaboration, en tant que créateur du décor en relief et sur mesure de l’exposition Imagine Picasso, présentée en ce moment à La Sucrière ?
RUDY RICCIOTTI : Cette exposition est surtout pour moi une façon d’ouvrir l’imaginaire des enfants. Dans ce bâtiment industriel qui porte les stigmates du travail, cela m’a plu de réfléchir, d’intervenir, d’imaginer quelque chose de différent. La verticalité avec laquelle nous jouons pour révéler l’œuvre de Picasso, c’est l’histoire du pouvoir. Mais ici, l’artiste est rendu plus populaire par cette idée d’exposition immersive, car dans l’immersion il y a aussi l’idée de fragmentation de la peinture de Picasso. Ce n’est pas innocent!
Le manque de hauteur nous a aussi obligés à chercher des dispositifs scéniques permettant de renouveler la tradition de la cathédrale d’images; je suis très fier d’avoir participé à cette prise de risque incroyable et très impressionné par ce travail qui change le regard et montre autre chose. Mais attention, il faut relativiser, nous n’avons fait que la scénographie. Le mérite revient à Annabelle Mauger et Julien Baron, les deux coréalisateurs de cette exposition. Ils ont travaillé très dur pour mettre en avant le projet artistique et non la prouesse technique.

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Propos recueillis par Nancy Furer
Protographie par Franck Leclerc

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